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CLEMI – portrait

Portrait dans la lettre d’information du CLEMI, Centre de Liaison de l’Enseignement et des Medias d’Information : «La Parisienne Libérée, l’actualité à portée de voix».
>> article à télécharger en pdf ici. L’entretien a été réalisé par B. Rigotard.

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Coup de projecteur sur…
La Parisienne Libérée : l’actualité à portée de voix

Chclemi - logoaque semaine, sur Mediapart, vous pouvez croiser une jeune femme rigolote, affublée d’une perruque de plumes rouges qui chante sur l’actualité. C’est la Parisienne Libérée qui fait son numéro ! En effet depuis octobre 2011, cette « chanteuse » un peu spéciale s’inspire de l’actualité de la semaine et délivre son message musical d’une voix faussement candide sur ce site d’information réputé surtout pour son journalisme d’investigation.

Pas sérieux ? Voire, car si le ton est enjoué et la voix agréable, tout est fait pour nous faire écouter les mots posés sur les notes. Derrière La Parisienne Libérée, on découvre une personne déterminée, philosophe de formation, chanteuse de toujours, qui a su créer son propre format (la chanson d’actualité) et défendre son mode d’intervention dans le réel, en l’occurrence, susciter un public d’internautes. Mais d’abord, pourquoi « la Parisienne Libérée « ? Parce que c’est la lecture du journal Le Parisien qui l’a alertée : dans les cafés, elle remarquait que les gens s’interpelaient à propos des Unes du journal, les commentaient, alors même qu’à ses yeux, le contenu informatif, certes fédérateur, manquait d’exigence critique ; pourtant le quotidien l’amusait, car elle en était (et est toujours) une lectrice passionnée… au second degré. D’où l’idée de retoquer ces Unes improbables à travers un support accessible comme la chanson, de réfléchir à l’actualité, et d’en faire partager sa lecture sur un mode ludique. Au départ, c’est l’engagement militant qui est le moteur de cette envie (on est en 2007, période d’élections oblige) : la chanson couplée à une réflexion sur l’actualité peut être un support militant, mais surtout une manière de renouveler la chanson engagée en lui donnant, grâce à l’essor d’internet, une audience nouvelle. « On a eu l’envie de faire quelque chose [comprendre quelque chose de citoyen], avant d’en avoir les compétences » dit-elle aujourd’hui, en regardant ce passé récent. Et elle souligne encore sa volonté d’alors « d’avoir une attitude active par rapport à l’information », d’engager une action optimiste, positive, dans ce domaine.

Elle crée donc, avec l’appui de son complice Mimoso, un site qui draine un public goûtant le ton décalé de ses clips vidéo. On la retrouve ensuite en train de chanter chaque semaine pendant un an, en direct, sur le plateau du site Arrêt sur image, avant finalement de se poser en 2011 sur Mediapart où elle dit se trouver bien et bénéficier d’une totale liberté dans le choix des sujets. Elle y bénéficie surtout du statut de « chroniqueur » qui convient parfaitement à son projet. Elle peut assister aux conférences de rédaction, et se dit fière d’appartenir à un site d’information reconnu. Certes, elle n’apporte pas d’information au sens journalistique du terme. Sa valeur ajoutée, c’est son regard aigu sur l’actualité, le repérage de ce qui va faire mouche, son approche de côté, sa concision au service d’un format qui oblige à être incisif, sa régularité dans le rendez-vous avec les internautes, et cette touche personnelle qui fait qu’on l’écoute… Toutes choses qui définissent finalement une chronique, qu’elle soit imprimée, dite à la télévision ou à la radio… ou chantée. Chroniqueuse, c’est donc un statut qu’elle revendique, dans lequel elle trouve sa juste place et qui fait qu’elle est prise au sérieux par les journalistes. La perruque rouge est un signe de ralliement mais aussi une sorte d’avertissement pour dire : attention, vous n’êtes plus dans l’information pure, mais dans une séquence d’humour sur l’actualité qui a à voir avec la liberté artistique.

En fait, la chanson est le « précipité » final de tout un travail en amont : chaque vendredi, veille sur la blogosphère, les sites d’information, la presse pour « sentir » l’actualité. C’est aussi à ce moment-là qu’elle consulte avec attention les agendas ministériels, le calendrier parlementaire… tout ce qui lui permet d’être en phase avec l’actualité politique. Le samedi, sélection d’un sujet et mobilisation d’une documentation pour le « nourrir » (visionnage des vidéos sur le thème, recherche de son traitement médiatique, analyse des discours des personnes concernées). Le dimanche est consacré à l’écriture du texte, travail d’auteur qui s’enchaîne le lundi avec la composition de la musique et des arrangements. A ce propos, La Parisienne Libérée, qui a un lien personnel avec la poésie, dit que la musique est dans les mots, que l’idée sonore vient du texte. Mardi, journée de tournage en playback, dans le studio de 9 m2 où tout se fait, et réalisation des plans de coupe et des scènes de mimes éventuelles. Le mercredi montage vidéo. Le jeudi, La Parisienne Libérée assiste à la conférence de rédaction du matin, prépare l’édition papier, et met en ligne la chanson qui est publiée à 13h sur le site de Mediapart. Bref, un rythme soutenu qui mêle travail d’écriture et de composition, tension du travail journalistique et compétences techniques…

Sur le site, la chanson est toujours accompagnée d’une contextualisation qui resitue l’actualité et fournit des liens vers les articles de Mediapart sur le sujet, inscrivant donc la chronique chantée dans le projet journalistique du site d’information. Ensuite, la chanson vit son destin, accessible sur la page d’accueil du site ou sur DailyMotion, suscitant des réactions sur la blogosphère, citée dans les revues de presse, comme ce fut le cas sur France info, ou sur France Inter dans la revue de presse de Bruno Duvic. La scène complète le contact virtuel avec les internautes : la Parisienne Libérée aime bien se produire en concert et entendre les gens dire : « Tiens, on n’avait pas vu ça », après avoir écouté les chansons et l’explication de texte qu’elle fournit avec.

Au sein de Mediapart elle jouit d’une totale liberté, mais elle-même se fixe certaines règles : d’abord, l’envie de s’exprimer sur un sujet, ce qui est évidemment élémentaire. Le ton de la chronique est en général tonique, mais elle précise que pour traiter l’actualité japonaise de Fukushima, elle a ressenti une grande tristesse. Lorsqu’elle fait des montages (qui sont une forme d’expression alternative aux chansons) elle s’impose de respecter les phrases citées dans leur entier, par honnêteté intellectuelle et par respect du document.

Autre règle qui est aussi une forme de défi : ne pas citer de noms propres, afin de pointer davantage sur l’action ou le système que sur les personnes qui font l’actualité. Une façon, selon elle, de faire une chanson réellement politique, indépendante du contexte immédiat. La chanson devient alors un « marqueur » témoignant d’une réalité historique et sociale. On est très loin du Parisien et de ses Unes déconcertantes, qui furent le déclic de l’aventure. La Parisienne Libérée nous déconcerte aussi, avec jubilation, et c’est ce qu’on aime : une éducation aux médias… très personnelle, en quelque sorte.
Entretien réalisé par Bruno Rigotard

Prolongements
Voir sur le site de Mediapart les sujets d’actualités traités : de l’affaire Cahuzac à la viande bovine en passant par la guerre au Mali ou les chiffres du chômage… : http://www.mediapart.fr/biographie/199899 – Site d’artiste : http://www.laparisienneliberee.com/

Source : infodoc mai2013 / site du clemi
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